Afin de stimuler l'inflation et la croissance, les banques centrales ont d’abord ramené leur taux directeur à zéro. Puis, comme cela ne suffisait pas, certaines ont fini par opter pour des taux d'intérêt négatifs.
Cette pratique tend à se généraliser, à l’exception notable des États-Unis, qui tendent à relever leurs taux directeurs par paliers. S'il est encore tôt pour évaluer les effets de ces politiques monétaires, elles ont parfois des effets inattendus. Le point maintenant.
Emprunt à taux négatif : une pratique initiée par les banques centrales
Les banques centrales disposent de différents taux, dont un taux « directeur », celui auquel les banques se refinancent auprès d’elles :
- C'est ce taux directeur qui conditionne la fixation des taux du marché interbancaire, en fonction desquels les banques se prêtent de l’argent entre-elles.
- Par effet de courroie, le taux directeur détermine aussi celui que les établissements de crédit accordent aux particuliers et aux entreprises.
En mars 2015, la Banque centrale européenne (BCE) abaisse son taux de refinancement à zéro, une première. D’autres banques centrales vont ensuite plus loin. C’est notamment le cas en Suisse et en Suède, où les taux directeurs deviennent négatifs.
Les banques centrales adoptent également un taux de dépôt négatif pour dissuader les banques de placer leurs liquidités dans leurs coffres :
- Ce taux d’intérêt est, par exemple, de - 0,40 % à la BCE.
- Ainsi, une banque qui place 100 € auprès d’elle ne récupère que 99,6 €.
Emprunt à taux négatif : objectifs d'une telle politique
Le maintien d’une politique de taux nul ou négatif est la dernière cartouche dont les banques centrales disposent pour relancer l’économie :
- Grâce à cette politique d'emprunt négatif, les institutions monétaires tentent de relancer l’activité en incitant les banques à prêter aux entreprises et aux particuliers.
- Elle espèrent aussi que cette injection de liquidités soutiendra les prix et écartera le risque de déflation.
Rappel : la déflation est une inflation négative, qui se traduit par une diminution générale et durable des prix.
Les institutions monétaires espèrent aussi que les ménages consomment davantage sous l’effet des taux négatifs, puisque l’argent qu’ils ont stocké ne rapporte plus grand chose.
Conséquences de l'emprunt à taux négatif
Comme toute politique, le fait d'emprunter à taux négatif a des avantages et des inconvénients.
Avantages
Les taux d'intérêt négatifs permettent aux états d’emprunter à taux négatifs, ce qui réduit le coût de leur financement et le poids de leur dette.
Désormais, les 19 pays de la zone euro, ainsi que le Danemark, la Suède, la Suisse et le Japon, pratiquent des taux d'intérêt inférieurs à zéro sur leur dette souveraine à court terme.
En mai 2016, la Belgique a, par exemple 1,921 milliards d’euros à des taux compris entre - 0,505 % et - 0,490 %. Dans l’eurozone, 1 500 milliards d’euros de la dette portent un taux inférieur à 0 %.
Les taux d’intérêt nuls ou négatifs font les beaux jours des emprunteurs :
- En juin 2016, il était, par exemple, possible de s’endetter à 1,35 % (taux fixe) sur 10 ans et à 1,75 % sur 20 ans.
- Le gain est encore plus net dans le cas des emprunts à taux variables. En Belgique ou au Danemark, certaines banques acceptent de payer les emprunteurs qui s’endettent à leurs guichets.
- En France, plus de 400 emprunteurs endettés à taux variable ont porté plainte en demandant à leurs banques de les rémunérer, puisque les taux d’intérêt (à court terme) sont désormais négatifs.
Article
Bon à savoir : les prêts taux variables représentent environ 5 % de l’encours des crédits français, mais la plupart d’entre eux sont « capés » ( bloqués) à la hausse comme à la baisse, ce qui empêche la majorité des emprunteurs de profiter des taux négatifs.
Les emprunts négatifs profitent aussi aux entreprises, qui accèdent notamment à une ressource « meilleur marché » pour financer leurs investissements.
Enfin, les taux bas accroissent les stocks de plus-values obligataires des assureurs et des banquiers.
Inconvénients
Si les taux négatifs profitent aux emprunteurs, ils pénalisent en revanche les épargnants, à qui leurs placements rapportent de moins en moins. Les intérêts des livrets d’épargne réglementés ou non réglementés sont, par exemple, en chute libre.
Les emprunts à taux négatifs pénalisent également les banques, dont ils rognent les marges, et les assureurs, qui doivent honorer les taux positifs de leurs produits à « revenus garantis » malgré la chute des rendements obligataires.
En mai 2016, le gouverneur de la Banque de France (BdF) a appelé les assureurs à la prudence dans la fixation des taux de rendement des contrats d’assurance vie :
- Selon la BdF, le contexte des taux bas conduit à une situation où les rendements des titres entrant en portefeuille sont inférieurs aux taux servis par certains contrats.
- De son côté, l’ACPR (Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution), le gendarme des assureurs, estime que les taux bas risquent de devenir un « poison » lent pour la rentabilité et la solvabilité des assureurs.
Dernier problème potentiel lié à la politique des emprunts négatifs, personne ne sait exactement ce qui se passera lorsque les banques centrales décideront de faire repasser leur taux en territoire positif.